vendredi 28 août 2015

3 idées reçues sur l'immigration : une perspective belge

Ca fait un bon moment que je procrastine pour écrire cet article. Je n'y arrive pas tout simplement parce que c'est un sujet qui me fend le coeur. En particulier ces dernières années, depuis que j'ai compris l'ampleur du problème.
Avertissement: Tout d'abord, je ne prétends pas être une spécialiste de la question.
Je propose une analyse personnelle plutôt axée sur la Belgique car c'est le pays dans lequel je vis. Et enfin, mes opinions n'engagent que moi.


1) Immigrés, réfugiés, illégaux signifient la même chose

Je suis diplômée en communication et lors de mes premiers cours, l'un des sujets les plus importants  était celui du choix des mots. Les choisir judicieusement est une part importante du métier de journaliste. Et quand je vois comment ce thème est abordé par la plupart des médias, je me pose de sérieuses questions sur la formation de ces professionnels.
Je suis contente de voir Al Jazeera exhorter les journaux européens à parler de réfugiés et non de migrants Syriens.
 "Migrants, immigrants, expatriés, illégaux, clandestins, sans-papiers, réfugiés..."Tous ces termes peuvent être dans certains cas interchangeables et désigner le même groupe de personnes. Et quand les médias utilisent tel ou tel mot, ils le font à dessein car ils savent que les mots ont un sens et un poids. Selon qu'on utilise l'un ou l'autre, le lecteur ou l'auditeur aura un autre ressenti. Mais au-delà de l'aspect purement émotionnel de ce choix, la responsabilité des Etats européens changent en fonction du statut que l'on donne à ces personnes. Si on parle de réfugiés, l'accueil de ces personnes devient obligatoire pour les pays signataires de la Convention de Genève.

Mettre ces personnes dans une case...
Je tiens tout de même à préciser que pour moi, catégoriser les migrants en tant que réfugié ou "simple immigré économique" ne répond pas au problème. On vit dans un monde très injuste et tant que les inégalités seront autant marquées, il sera inévitable de voir des gens prêts à tout pour partir de chez eux.  J'ai l'impression qu'on déshumanise ceux qui partent à cause de la pauvreté. J'ai récemment lu un livre d'Eric Emmanuel Schmitt qui parle d'un réfugié irakien. Il y a un passage qui résume bien la situation d'un bon nombre de migrants et de sans-papiers : « Les gens des Nations unies, si on leur explique qu’on fuit la pauvreté, qu’on veut décrocher un travail et envoyer de l’argent à sa famille pour qu’elle survive, on ne les intéresse pas. Ils ont besoin de spectacle, de scandales politiques, de massacres, de génocides, de dictateurs levant des armées, de salauds maniant la machette ou la mitraillette. Si on dit juste qu’on crève de faim ou de désespoir, ce n’est pas assez. La mort avec sa faux, la famine, l’insécurité, l’absence d’avenir, ça le ne les convainc pas ! »

Et les expatriés alors?
Je voulais finir ce point en mettant en avant un autre terme très souvent utilisé pour désigner les blancs qui immigrent d'un pays à l'autre.
La plupart des immigrés en Belgique et en particulier à Bruxelles sont d'origine européennes. Les institutions font de cette vile un important pôle économique et politique et ces migrants sont généralement appelés des expatriés.
Il y a quelques mois, un journaliste remarquait le fait que l'on utilise toujours le terme "expatrié" pour parler des immigrés "blancs". Alors que selon Wikipedia, toute personne qui travaille dans un autre pays devrait être considéré comme un expatrié. Pourtant, ce terme a tendance à n'être utilisé que pour désigner des personnes caucasiennes. Alors que dans les faits, il y a des expatriés de toutes origines.
Même dans la terminologie de la migration, il y a une hiérarchie du bon et du mauvais migrant. (Une hiérarchie fortement influencée par le racisme.)


2) "L'Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde"

Il est vrai que c'est impossible et l'Europe ne le fait pas. 80 % des réfugiés  sont accueillis dans les pays frontaliers. Dire que l''Europe connait  une crise de l'immigration et n'arrive pas à gérer l'énorme afflux de migrants est faux. Premièrement car c'est un continent riche qui a les moyens de créer des politiques pour la gestion de l'immigration. Mais également parce que le nombre de personne qui arrivent en Europe n'est pas aussi élevé qu'il y parait. "Le nombre de Syriens ayant pu faire une demande d’asile à l’Union Européenne ne s’élève qu’à 250 000, soit le quart d’un million. «C’est moins de 2 % du nombre total des réfugiés internes et externes de la Syrie», affirme le statisticien Hans Rosling." Une excellente analyse en vidéo à découvrir sur ce site.
Dans tous les conflits, les gens vont d'abord se réfugier dans les pays limitrophes et iront en Europe en dernier recours. Ce sont en général les pays les plus pauvres du monde qui accueillent le plus de réfugiés. Ils arrivent à le faire avec très peu de moyen alors, pourquoi l'Europe en serait incapable?


3) Il y a trop d'étrangers en Belgique
Selon une très récente enquête de la RTL TVI, 61% des Belges estiment qu'il y a trop d'étrangers en Belgique. Ce que je trouve aberrant c'est que la plupart des personnes ont une image faussée de l'immigration. Je ne suis pas sûre que le sondage ait été assez clair. Car le terme "étranger" est de nos jours, un mot générique qui englobe tout ce qui n'est pas Bleu, Blanc, Belge.
Les personnes qui vivent depuis plusieurs générations ne peuvent en théorie pas être assimilées à des "étrangers". C'est un mot qui ne tient pas la route car en plus d'avoir la nationalité du pays, ces personnes qui sont perçues comme des étrangers, sont en général nés en Belgique.
Alors, reprenons depuis le début et essayons de comprendre mieux l'histoire de l'immigration en Belgique.

50 ans plus tard et le discours est radicalement différent.
Il y a eu des vagues successives d'immigration. Dans les années 60, survient une très grande immigration ouvrière. Les politiques migratoires sont très positives et on encourage également le regroupement familial(voir photo ci-dessus).
C'est le plein emploi et il y a un grand besoin de main-d'oeuvre. Les immigrés économiques sont surtout des Européens (Italiens, Polonais...) ou des Nords-Africains (Marocains, Tunisiens...) venus travailler dans les mines ou sur les grands chantiers.

A partir des années 70, la crise du pétrole frappe le pays et la situation économique se détériore petit à petit. La propagande en faveur de l'immigration se calme et la plupart des nouveaux migrants (non-Européens) viennent en tant que réfugiés politiques.
Au final, une grande partie des personnes qui sont considérés comme des étrangers encore aujourd'hui sont des Belges. Et ce, depuis plusieurs génération. Et une grande majorité d'entre eux sont là car le pays l'a voulu à un moment donné. Beaucoup de personnes ont du mal à voir le monde changer et à se rendre compte qu'il ne faut pas être blanc pour être Belge.

C'est un débat très clivant et c'est difficile d'en parler sans s'attirer les foudres. J'aurais pu continuer en parlant d'un tas d'autres de points à soulever quand on parle d'immigration mais j'avais envie de de faire court.

Pour aller plus loin et en savoir plus :

Migranten zijn de toekomst

TROIS FILMS CONTRE LES IDÉES REÇUES

10 truths about Europe’s migrant crisis

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